dimanche 16 décembre 2012

Doctorant : un univers impitoyable

J'ai dû croiser dans mon parcours 2 doctorants seulement : une en chimie, l'autre en médecine. Autant dire que je n'ai pas franchement pu échanger avec elles sur le contenu de leurs recherches et le parcours d'un doctorant.

Mais en 6 semaines de stage à l'EPHE, qui accueille des doctorants en histoire de l'art et histoire des religions, entre autres, j'ai découvert un univers imitoyable.
Personnellement je pensais que lorsque l'on avait terminé un M2 on pouvait se lancer dans une thèse sur un sujet de notre choix, dans la fac de notre choix, et qu'au bout de trois ans on soutenait sa thèse avec brio. Grave erreur, petit scarabée, tu n'y es pas du tout !

D'abord, ne fais pas une thèse qui veut et quand il veut. Si tu n'as pas fait au moins un M2, voire passé une agrégation, voire déjà enseigné et si tu as moins de 30 ans, tu es déjà mal barré. Il semblerait que faire une thèse à 25 ans est considéré comme une tocade de jeunesse.
Ensuite, il faut trouver l'université qui veut de toi, c'est à dire le prof qui voudra bien te suivre, c'est à dire le prof qui est spécialiste de ton domaine de recherche et qui a une HDR (Habilitation à Diriger des Recherches) et qui n'a pas déjà 15 étudiants à suivre et qui estime que tu vaux la peine et de préférence quelqu'un qui a pignon sur rue, le "mandarin" de la spécialité. En gros tu en as 2 ou 3 seulement par spécialité en France.
Si tu as trouvé ce fameux sésame, tu dois présenter et faire valider ton sujet de thèse. Moi qui croyais que tu te lançais la tête la première dans les recherches... Que nenni ! Tu fais une magnifique présentation devant un jury d'une vingtaine de personnes où tu expliques ton parcours, ce que tu veux étudier, pourquoi, comment, pendant combien de temps...
Sur le temps nécessaire, 3 ans c'est le minimum du minimum. Mais faire une thèse en 3 ans, semble au mieux, très présomptueux, au pire, totalement irréaliste. Les doctorants rencontrés ces dernières semaines estiment que 5 ans c'est le minimum, mais que le plus réaliste c'est plutôt 7 à 9 ans.
Bon imaginons : tu as un sujet béton que tu aimes, le prof reconnu de toute la communauté scientifique, la validation du jury et tu y vas pour 5 ans, parce que tu es super motivé et d'une intelligence démesurée. Il faut maintenant penser financement. Parce que c'est bien beau de faire avancer la recherche pendant des années, mais pendant ce temps, qui met les pâtes dans la casserole et paie le beurre et le râpé ?

Voilà le parcours du combattant du doctorant.

Alors à côté de ça j'ai rencontré des doctorants super sympa, l'une étudiant un manuscrit illustré du livre de Job, une jeune religieuse qui travaille sur saint-Augustin tout en enseignant le latin patristique, une chercheuse sur le programme hagiographique de Saint-Marc de Venise. Mais c'est vrai que c'est un milieu très particulier, très fermé au sens où dans un domaine de recherche spécifique, tout le monde se connaît, tout le monde situe les recherches des autres (rappelez-vous Agnès Jaoui et "les chevaliers paysans de l'an mil au lac de Paladru") alors que pour vous c'est du chinois.

Je n'avais pas spécialement envie de faire de la recherche avant ; je n'ai pas plus envie maintenant. Bon vent à tous, amis doctorants !

1 commentaire:

Maïwenn a dit…

Effectivement, ça a beaucoup étonné nos amis irlandais quand je leur ai expliqué que si je rentre en France, je ne ferai pas de thèse... c'est un monde complètement différent, ici, qui redonne foi en la recherche et m'amène plein de questions : thèse ou pas thèse..? =)